Les contes alsaciens sortent de l’oubli
Si le patrimoine culturel alsacien regorge de légendes, on y trouve en revanche peu de contes. Un manque comblé par Gérard Leser, qui a traduit un – le seul ? – recueil de contes populaires alsaciens, datant de 1931.
Devinette : connaissez-vous la différence entre une légende et un conte ? « Une légende a un ancrage géographique, ainsi la dame blanche du Pflixbourg, ou le diable tournoyant autour de la cathédrale de Strasbourg ; elle s’inscrit dans le temps historique des humains ; enfin, elle demande à être crue », détaille le conteur munstérien Gérard Leser, grand spécialiste du sujet s’il en est.
« Dans les légendes, les Sagen, interviennent des personnages comme des gnomes, elfes, sorcières, auxquels on peut croire », reprend-il. Régulièrement, il a vent de gens qui jurent avoir vu un de ces êtres mystérieux. Et sans doute lui-même, les soirs de brume, dialogue-t-il avec eux…
« Il était une fois… »
Le conte, lui, appartient totalement au domaine du merveilleux, le fameux « Il était une fois ». « Il nous fait rêver, mais on n’y croit pas, car il est totalement imaginaire. Tout le monde sait bien que la princesse et le prince-grenouille n’ont jamais existé. » Or, au fil de ses travaux, Gérard Leser a pu constater une chose : autant l’Alsace est très riche en légendes – « on en compte environ 1600 » -, autant les contes, les Märchen, y sont très rares.
Le conteur avance une explication à cela : les contes et légendes, qui appartiennent par essence au monde de la tradition orale, ont été collectés au XIXe siècle, vers les années 1830-1840 ; or « sans doute les collecteurs d’Alsace se sont-ils intéressés uniquement aux légendes ». C’est ainsi qu’avec la disparition de la tradition orale, les contes ont peu à peu été oubliés… Hormis par Joseph Lefftz, universitaire et spécialiste des traditions alsaciennes, qui publia, an 1931, un recueil intitulé Contes populaires alsaciens. « C’est à ma connaissance le seul existant en Alsace », indique Gérard Leser.
Tout comme les contes, l’homme est aujourd’hui oublié, aussi le conteur munstérien a-t-il décidé de publier ce livre. Plus exactement, il l’avait déjà publié il y a une quinzaine d’années, dans son jus pourrait-on dire, en alsacien et en allemand. L’ouvrage étant épuisé, Gérard Leser a choisi cette fois-ci de la ressortir après l’avoir traduit en français, afin qu’il soit accessible au plus grand nombre.
Les pages de gauche sont en version originale, celles de droite en version française. L’éditeur est une jeune maison d’édition de Munster, Sébastien Degorge.
Une visite des frères Grimm en Alsace ?
« Commère petite souris et commère petite saucisse de foie », « L’homme et la femme dans la cruche à vinaigre », « Les animaux stupides », tels sont quelques-uns des contes que l’on peut lire. On y trouve aussi des histoires qui résonnent dans notre mémoire puisqu’on les connaît comme contes des frères Grimm, tels « La maisonnette en crêpes » avec Hansala et Gretala, une maman chèvre et ses chevreaux ou encore un vaillant petit tailleur et ses sept mouches.
« Les frères sont-ils venus en Alsace et ont-ils puisé dans le vivier, ou simplement les récits se retrouvaient-ils des deux cotés du Rhin an raison de notre culture germanique ? Je ne sais. » Voilà qui ferait de la matière à travailler pour un historien…
LIRE Contes populaires alsaciens, elsässische Volksmärchen, par Joseph Lefftz, éd. Sébastien Degorge, 19,90 €. Disponible dans les librairies Hartmann à Colmar et Carpe Diem à Munster, ainsi qu’à la librairie de l’Écomusée.
Françoise Marissal