Les Alsaciens laissent-ils mourir leur langue ?
Le jeune réalisateur de Stuttgart Andreas Ottmayer a voulu savoir pourquoi les Alsaciens ne cherchent pas à protéger leur langue. Il a appelé son documentaire « Von Schmierwurscht & baguette ». Où il est question de culture et de musique.
« Est-ce qu’à l’avenir, l’Alsace ne portera plus qu’une langue ? Ou restera-t-elle une région avec une culture bilingue ? » questionne le réalisateur de Stuttgart Andreas Ottmayer. Ce trentenaire qui travaille pour Caritas ne comprend pas que « les Alsaciens laissent mourir leur langue ». « Il est tragique que des langues disparaissent et que personne ne s’en saisisse », assure le jeune homme qui a redécouvert un sujet à la mode dans les années 70, en Alsace. Si des efforts ont été faits pour favoriser le bilinguisme français-allemand, l’alsacien a été quasi-oublié. Y compris dans la réforme des rythmes scolaires qui s’y prête pourtant bien !
Pour sauver la langue il faut la parler
Andreas ne parle pas le français. « Cela m’a aidé, car cela a obligé mes interlocuteurs à me parler en allemand ou en alsacien », sourit-il. Mais pour une majorité d’Alsaciens, le titre même de son documentaire de 50 minutes, Von Schmiertwurscht & baguette (A propos de saucisse à tartiner et baguette) n’est pas évident. Le réalisateur a mené son enquête auprès de Roger Siffer, Pierre Kretz, Jean-Marie Woehrling pour qui « l’Etat français n’accepte pas les langues régionales ». « Je ne comprends pas pourquoi Pierre Kretz ne parle pas alsacien avec ses enfants », s’étonne le jeune Allemand.
Mais l’avocat polémiste n’est pas le seul à avoir rompu le fil de cette transmission. Dès lors, l’ancien élu de Sarre-Union Denis Lieb, soutien de Unser Land, apparaît comme un héros. Ses enfants parlent alsacien et s’étonnent que des adultes les abordent systématiquement en français. « Pour sauver une langue il faut la parler », assure un intervenant.
Peu convaincu des réponses obtenues à Strasbourg sauf à l’Office de la culture et langues alsacienne Andreas Ottmayer a planté sa caméra ailleurs. Dans une école ABCM où des enfants chantent en alsacien. A Seebach où la Steisselhochzeit permet de filmer de belles images nostalgiques. « Je chante dans la langue de mon cœur, personne ne peut me l’enlever », assure la poètesse Sylvie Reff. Andreas, qui a rencontré Robert-Franck Jacobi à Baden-Baden, compare volontiers le chanteur à textes alsacien à Reinhard Mey. Il a discuté aussi à Saint-Louis avec notre confrère Jean-Christophe Meyer, poète et un des auteurs de la chronique qui paraît chaque samedi en dialecte dans nos colonnes.
Lors d’une première diffusion au Centre culturel alsacien, les spectacteurs ont paru surpris. Andrée Munchenbach, présidente d’Unser Land, aurait aimé avoir la part plus belle. Mais aucun autre politique n’a accepté de répondre à son questionnement, a déploré Andreas Ottmayer, qui n’a pas forcément frappé aux bonnes portes.
Mais la déception ne vient-elle pas du discours des Alsaciens, qui ne se renouvelle pas ? Le film renvoi à l’Alsace ses lamentations, sans vraiment de souffle nouveau. Le réalisateur qui propose deux versions, française et allemande cherche d’autres salles pour projeter son documentaire et susciter le débat. S’il permettait de progresser…
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Yolande Baldeweck